29/06/09

Interview de Guy PAROLA, Architecte du projet SoleilS

Éco-conception, Architecture bioclimatique

 

De quand date votre engagement dans l’éco-conception et comment y êtes-vous venu ?

Le cabinet a été sollicité en 2000 pour participer à un concours visant la réalisation d'une salle des fêtes HQE – Haute Qualité Environnementale - à Gardanne, le premier projet HQE des Bouches-du-Rhône. Comme nous ne savions pas trop ce qu'était le HQE à l'époque, nous nous sommes renseignés et nous avons constaté que c'était très proche de notre façon de voir les choses. J'ai donc suivi, avec mon associé, une formation d'une année en formation continue organisée à Lyon par une école d'architecture Parisienne. Puis nous avons été lauréat du marché de cette salle des fêtes dont le projet a finalement été abandonné pour diverses raisons. Quoiqu'il en soit, nous intégrons systématiquement le critère environnemental dans les projets d'architecture que nous traitons.
 

Quels sont vos critères de choix pour accepter ou non un projet ? Par exemple, expliquez-nous les raisons qui vous ont amené à travailler sur le projet SoleilS.

J'ai travaillé sur le projet SoleilS tout d'abord parce que les porteurs de ce projet m'ont contacté, je ne vais généralement pas au devant des projets, et parce que lors de notre première rencontre, qui donne systématiquement lieu à une discussion à bâtons rompus pour faire connaissance, j'ai trouvé que nous avions des atomes crochus. Si on me présente un beau dossier et que je sens que je n'ai pas d'affinité avec le porteur du projet, je le refuse. Le critère relationnel est un de mes premiers critères de choix. De même, j'accepte un projet si je pense que je peux servir à quelque chose, apporter de l'aide au porteur de projet, c'est mon second critère de choix.

C'est une posture altruiste qui n'est pas toujours compatible avec la réalité économique du cabinet, mais c'est une forme d'engagement moral envers moi-même et envers mes clients qui me convient parfaitement. Enfin, je ne travaille pas sur un projet d'architecture s'il n'y a pas de terrain. J'ai besoin de connaître des contraintes à priori pour mener l'étude dans un cadre concret permettant d'appuyer mon raisonnement.
 

Quelles sont les particularités de l’architecture d’une maison bioclimatique par rapport à une maison conventionnelle ? Dispose-t-on de la même latitude de créativité ?

Oui, il est tout à fait possible d'être créatif et de concevoir une architecture non stéréotypée ; rejeter le bioclimatique sous prétexte qu'il ne permet pas de faire du beau, c'est aberrant. On est pas obligé, sous prétexte que les murs seront construits en paille, de faire une maison Mexicaine ! Certains principes sont intangibles pour le bioclimatique mais ils s'appliquent également pour toute architecture d'habitat quel qu'il soit car ils relèvent d'une logique d'intégration de l'habitat dans l'environnement et priment sur les matériaux ou les techniques employées. :

  • une exposition au sud (ouvert au sud, fermé au nord),

  • une utilisation maximale de la parcelle de terrain, y compris dans ses inconvénients qui peuvent être transformés en avantages,

  • un confort d'usage intérieur et extérieur.

 

L'exposition au sud permet de profiter au maximum de l'ensoleillement et de la lumière.

Le positionnement de la maison sur la parcelle va intégrer le plan de déplacement extérieur, gérer les pentes pour définir le niveau de la maison, gérer le bruit environnant par la mise en place de barrages phoniques ... Même si ce n'est pas de l'architecture en tant que telle, c'est un peu d'astuce et beaucoup de bon sens. Le confort d'usage tient compte de la présence de l'homme dans l'habitat et du mode de vie des habitants. Il concerne la qualité des espaces, la logique de l'organisation spatiale selon les usages (pièces de vie au sud, pièces de service au nord) et la qualité de la lumière.

Dans une architecture bioclimatique, on intègre des haut-vents pour la protection solaire, des toitures végétalisées pour l'isolation, des systèmes de free cooling intégrés à la structure (puit provençal/canadien ou système externe de ventilation à lame d'air), des systèmes de récupération d'eau, ...

Quoiqu'il en soit, le travail de l'architecte, c'est de créer un lieu de vie agréable et simple pour que son confort d'usage soit durable.

 

L’éco-construction est un domaine nouveau pour lequel il existe pour l’instant peu de documentation de référence (DTU). Est-ce que tous les architectes sont qualifiés pour travailler sur des projets d’éco-construction ou cela nécessite-t-il d’acquérir des compétences spécifiques ? Est-il est souhaitable par exemple qu’ils participent à des chantiers d’éco-construction pour bien en maîtriser toutes les spécificités ?

Oui, ce serait intéressant que les architectes participent à des chantiers pour disposer de retours d'expérience concrets, mais ils sont confrontés à un problème de disponibilité. Il faut savoir par ailleurs qu'un architecte ne couvre jamais un projet jusqu'à sa construction pour des raisons de limite des couvertures d'assurance auxquelles il peut prétendre. A minima, il est nécessaire de se documenter et d'appliquer le devoir de précaution. Le réseau envirobat par exemple est une bonne source d'information (www.envirobat-med.net). Il est parfois nécessaire également de se référer aux pratiques anciennes ou plutôt de se questionner sur le pourquoi nos anciens réalisaient les choses d'une certaine façon et pas d'une autre.

En ce qui me concerne, j'essaie de rester pragmatique et de trouver des solutions faciles à implémenter parce que, sur le chantier, les ouvriers ne lisent pas toujours les plans d'architecture. D'autant plus que, souvent, les porteurs de projet ne font pas réaliser les dossiers d'exécution. Ils se passent de cette étape pour des questions budgétaires se contentant des interprétations réalisées par les différents bureaux d'étude (fondations, charpente, ...). Or, les plans d'architecture ne sont pas suffisamment détaillés pour guider les bureaux d'étude et les intervenants sur les chantiers. Les dossiers d'exécution réalisés par les architectes contiennent les spécifications de construction : caractéristiques des matériaux (sections, poids, ...), principes de montage, caractéristiques des accrochages (fixations, diamètre), ... Souvent d'ailleurs, les porteurs de projet regrettent après coup d'avoir sauter cette étape parce qu'il ne disposent pas de support de contrôle des travaux réalisés.

 

Quels conseils pouvez-vous donner à des porteurs de projets d’éco-construction en phase préparatoire : choix du terrain, préparation des plans, choix de l’architecte ?

La clé c'est le terrain : pas de pente nord, pas de lieu qui ait une antériorité négative comme une ancienne décharge par exemple. Une analyse de site est impérative : le ressenti des futurs habitants, les masques, les vues, l'orientation des vents. Il ne faut pas hésiter à visiter le terrain plusieurs fois dans différentes configurations environnementales. Quant à l'architecte, il faut s'assurer qu'il laissera les futurs habitants s'approprier le projet. Lorsque je conçois une architecture, j'élabore un argumentaire justifiant chaque élément de la conception, mais si mon client réfute un argument alors j'adapte le projet à sa demande.

 

En tant qu’architecte, vous pouvez influencer les changements de pratiques, comment voyez-vous l’évolution des architectures de bâtiments dans le contexte actuel de prise de conscience environnementale ?

Si on arrive à faire prendre conscience que le site est important, alors on aura une grande influence. L'éducation est la clé, il faut éduquer les jeunes générations à la logique d'intégration de l'habitat dans l'environnement et éviter les diktats. Les choix doivent être motivés pour être compris et acceptés, mais je pense qu'il faut compter 10 à 20 ans avant que les messages passent. La mise en place de consultations publiques au niveau des villes et villages permettra d'impliquer les citoyens dans les choix d'évolution des cités.

De mon côté, je vais essayer de travailler à présent sur des constructions en petit collectif avec mutualisation de services, mélange d'âges, voire à terme multi-social et multi-culturel. Ce sont des habitats à taille humaine, de 9 à 10 logements sur 5 étages maximum pour maintenir le rapport au sol. L'objectif étant de faire de la qualité environnementale, les économies réalisées grâce à la TVA à 5,5% au lieu de 19,6% peut permettre de faire des investissements au minimum sur l'isolation et les énergies renouvelables. Ce type de projet nécessite d'impliquer le public et le privé : les mairies pour l'acquisition des terrains, les artisans en ossature bois pour l'industrialisation des pratiques, les bailleurs sociaux, les particuliers, ... Mon souhait le plus cher, l'âge de la retraite approchant, est que ce projet soit bien accueilli et qu'il puisse se démultiplier.


Sandra COURPASSON