Vous intervenez en tant que bénévole sur le chantier SoleilS depuis plusieurs mois maintenant, quel est votre situation actuelle sur le plan professionnel et quelles sont les raisons de ce bénévolat ?

Professionnellement, je suis un retraité actif depuis l'automne 2007. Je me situe plutôt dans une mouvance écologique et dans un esprit d'entraide. J'ai moi-même en projet de construire une maison écologique, ce qui demande d'avoir de solides connaissances dans ce domaine. J'ai donc décidé de les acquérir en participant bénévolement à des chantiers d’éco-construction pour apprendre en pratiquant sur le terrain au sein de projets concrets.

 

Quelles sont vos qualifications dans le domaine du bâtiment en général et en éco-construction en particulier ?

A l'origine, je n'ai pas de qualification dans le bâtiment puisque dans mon métier j'étais technicien en informatique. Mais ce métier m'a tout d'abord appris à gérer mon temps de travail, à encadrer d'autres personnes et à travailler le côté relationnel.

Ensuite, voilà plus de 4 ans que je travaille sur la question de l'éco-construction sur le plan théorique par l'intermédiaire de recherches d'informations sur Internet, grâce à la littérature disponible et également en lisant des magasines spécialisés comme La Maison écologique. Enfin, j'ai suivi trois stages de formation : un stage généraliste en construction paille avec l'association La Maison en Paille qui se trouve dans les Charentes, ainsi qu'un stage sur la charpente et un stage sur la chaux au centre de formation Le Gabion.

 

Comment procédez-vous pour être informé des chantiers en cours susceptible de vous accueillir ?

Je suis adhérent au réseau français de la construction paille, les Compaillons. Ce réseau propose sur son site Internet un forum où l'on peut trouver des annonces de chantiers demandeurs de main d'œuvre. J'y ai par exemple trouvé le chantier auquel j'ai participé le weekend dernier dans la Drôme pour construire des murs intérieurs en terre-paille banchée. J'y retournerai d'ailleurs dans 3 semaines, après séchage, pour retirer les banches et démarrer les enduits extérieurs en terre. Force est de constater qu'il existe peu de chantier dans le sud-est de la France, ils sont plus nombreux dans l'ouest et en particulier en Bretagne.

 

Quel est la nature de l’engagement pris avec les porteurs de projets d’éco-construction puisque cet engagement n’est pas contractuel ?

C'est un engagement moral. C'est une autre manière de fonctionner très humaine qui n'est pas basée sur des questions de rentabilité financière, ce qui permet d'établir des rapports plus sereins. Ce mode de fonctionnement permet de rencontrer des personnes très différentes, de tous horizons et même de tous âges. Sur le chantier SoleilS par exemple on compte pas moins de 3 générations ! A une époque où on entend parler de fracture entre les classes d'âge c'est plutôt rassurant de savoir que la collaboration inter-générationnelle est encore possible. L'intérêt réside essentiellement dans le partage, l'échange et l'apprentissage. C'est un autre monde ! J'ajouterais que face à la crise ambiante la solidarité est une réponse.

En termes pratiques, les responsables des chantiers ont coutume d'offrir le couvert aux bénévoles, voire le gite lorsque le chantier est éloigné du domicile. Certains proposent également de participer aux frais de transport domicile-chantier.

 

Est-ce qu'il y a d'autres mécanismes qui sont pratiqués, comme le troc : tu viens m'aider sur mon chantier et je t'aiderai sur le tien ?

Ce système se pratique en effet dans des contextes d'éco-villages par exemple. On l'observe couramment dans les pays nordiques ou en Allemagne. Ce sont des habitats regroupés qui sont construits par un collectif constitué par les porteurs du projet et qui mutualisent des parties communes comme la buanderie ou encore les chambres d'amis, ce qui justifie la contribution réciproque. Mais en France, on a tellement poussé les gens à raisonner individuellement que ce système est encore difficilement acceptable sur le plan culturel.

Sur les chantiers individuels, le bénévole n'attend pas forcément un retour des personnes qu'il a aidées. Il comptera sur d'autres bénévoles qui chercheront eux-même à se former. Il faut savoir tout de même qu'un projet d'auto-construction peut mettre jusqu'à 5 ou 6 ans pour être terminé, on peut comprendre alors que les porteurs de tels projets aient besoin de souffler à la fin de leur chantier et qu'ils ne soient pas très motivés pour contribuer immédiatement à d'autres projets de construction.

 

A combien de chantiers pensez-vous qu’il soit nécessaire de participer avant de déclencher son propre projet ? Et à combien de chantiers envisagez-vous vous même de participer ?

C'est moins une question de nombre de chantiers qu'un besoin de pratiquer plusieurs techniques, comme par exemple le terre-paille ou la brique de terre crue. L'intérêt est de participer au moins à un chantier dans la longueur pour identifier toutes les phases et savoir ce qu'il faut faire et ne pas faire. J'ai vu des porteurs de projets venir passer un après-midi sur un chantier pour manipuler quelques bottes de paille et partir en pensant qu'ils avaient suffisamment d'informations pour démarrer. Hors, certes, la partie paille est probablement ce qu'il y a de plus facile et de plus rapide à faire ; en revanche l'ossature bois, la mise en place des fenêtres, la partie fluides ou encore les enduits sont des postes beaucoup plus long et plus complexe à mener qu'il convient d'avoir pratiqué si ce n'est observé avant de se lancer.

Personnellement, je vais également visiter des chantiers en cours ou terminés pour discuter avec les constructeurs et observer ce qui a été fait car cela peut apporter des idées.

 

Dans quel mesure les retours d’expérience que vous avez accumulés sur ce chantier font-ils évoluer votre projet personnel ?

Les expériences que j'ai pu vivre jusqu'ici m'ont plutôt conforté dans mon projet. Elles m'ont surtout fait toucher du doigt l'importance de la préparation. Tout doit être prévu et écrit noir sur blanc. Il faut avoir sélectionné à priori les techniques et les solutions qui seront déployées pour pouvoir identifier les dépendances entre les différents travaux et établir des plannings prévisionnels qui permettant de connaître et d'anticiper le besoin en main d'œuvre et en approvisionnements. Dans l'éco-construction, il existe peu de techniques bien identifiés et peu de documentations officielles, c'est un domaine qui fait appel à une grande part d'improvisation. Il est donc indispensable de compenser cette improvisation par une solide gestion de projet.

Enfin, ce sont des projets souvent très longs qui sollicitent une très grande disponibilité des constructeurs. Il est possible de construire par étape en commençant par une surface minimaliste permettant de s'installer sur place avec sa famille et en procédant ensuite par extensions successives. Le plus sage est que l'auto-constructeur prenne une année sabbatique pour se consacrer à son projet et le rendre à minima habitable, il pourra ensuite terminer tranquillement l'aménagement pendant ces weekends. Ou alors, que comme moi, il soit en retraite : en ce qui me concerne, j'ai toute la vie devant moi pour réaliser mon projet !
 

Quels conseils pourriez-vous donner à des personnes qui souhaitent adopter cette démarche de bénévolat ?

Il y aurait beaucoup de choses à dire. Je dirais qu'il est nécessaire de suivre un chantier pour se faire vraiment une idée de ce que c'est que construire une maison soi-même et pour savoir si l'on est prêt à se lancer. Intervenir sur un chantier apprend également les relations avec les autres qu'ils soient les porteurs du projet, des artisans salariés ou d'autres bénévoles et apprend en particulier les règles de sécurité.

Sandra COURPASSON